A propos de
Isabelle Huppert - Vivre ne nous regarde pas,
un livre de Murielle Joudet
Quand la cinéphilie devient une quête spirituelle…
« Isabelle Huppert, c’est elle », serait-on tenté d’écrire à propos de ce premier livre remarquable de Murielle Joudet qui, dès son exergue flaubérienne, « vivre ne nous regarde pas », pose l’éternelle question des rapports entre la vie et l’art. Si « ce qu’il faut chercher, c’est ne pas souffrir », alors pourquoi se consacrer corps et âme à une actrice qui « a toujours témoigné d’un goût prononcé pour le désastre et la catastrophe » et dont toute la filmographie constitue une longue suite d’expériences extrêmes, perversives, masochistes, meurtrières ? Sans doute pourra-t-on arguer que la souffrance fictionnelle n’est pas une vraie souffrance et que tout cela n’est que du cinéma parce que « la vie, c’est quand même autre chose » (une des sentences les plus abjectes qui soient) et que jouer à être Isabelle Huppert comme elle-même joue à être Violette Nozière, Madame Bovary ou Michèle Leblanc, la femme qui aime se faire violer dans le très controversé Elle de Paul Verhoeven, n’est pas très sérieux.
Mais n’est-ce pas précisément contre cette vie sérieuse, tiède, étriquée, anti-tragique, normative (pour ne pas dire néo-féministe), que l’actrice Huppert s’est imposée de rôle en rôle, affirmant ce que Murielle Joudet appelle superbement une « plénitude malheureuse » ?
Dès lors, il faut reprendre (presque) chaque film depuis le premier et, par l’écriture ô combien romanesque, à la fois incisive et caressante, de son autrice (car ce livre est bien un roman, un récit existentiel, un portrait de femme, une confession de jeune fille, et peu importe que l’on connaisse la carrière d’Isabelle Huppert ou non, peu importe même que l’on soit cinéphilie ou pas), suivre ce qui n’est rien moins qu’une quête charnelle et spirituelle.